Libre vs Open source : 2 visions ?

Du grain à moudre s’est penché sur les logiciels libres suite au projet de rachat de GitHub par Microsoft. Voici une tentative de résumé – tout à fait subjectif ! – de cette émission diffusée le 13 juin dernier sur France Culture, afin de revenir sur les différences fondamentales entre le Libre et l’Open source, respectivement représentés par Framasoft et Microsoft.

À l’instar d’autres géants du web, Microsoft s’ouvre à l’open source. Il est en effet sur le point d’acheter la plate-forme de développement de logiciels GitHub pour 7,5 milliards de $. À la clé, le contrôle de ce site fort de 24 millions d’utilisateurs et 65 millions de dépôts, déjà utilisé par de nombreuses entreprises privées… dont Microsoft, le plus gros contributeur.

Afin d’en débattre, la chaîne de radio publique a invité les professionnels suivants :

L’innovation en commun

Si à ses débuts, chez Microsoft “il y avait une volonté de standardiser les usages” pour que les personnes apprennent l’informatique à travers eux, la firme états-unienne a ensuite dû effectuer un “aggiornamento culturel” suite au recrutement de jeunes développeurs habitués à travailler de manière collaborative. Il est intéressant de noter ici deux choses : la vision descendante dans l’offre originelle des services de Microsoft, et l’influence qu’ont pu avoir les jeunes employés sur les pratiques internes de l’entreprise. Dès lors, l’open source garantit l’innovation en transformant les méthodes de travail.

La collaboration et l’innovation sont aussi au cœur de la fabrique du Libre, où les communautés de développeurs contribuent au développement des logiciels grâce au code ouvert, en en garanverroustissant par là-même l’amélioration, le dynamisme et la pérennité.

Amaelle Guiton rappelle d’ailleurs que des géants tels qu’Apple proviennent de la culture hacker, ouverte et indépendante… avant que le code ne soit fermé et Stallman, le “papa” du Libre, traité de “communiste” aux États-Unis !

Des visions politiques opposées

Certes, opposer les modèles peut sembler simpliste et limité, en ces temps où l’on semble se méfier de la confrontation, des revendications et des idéologies (pourtant omniprésentes). Toutefois, afin de saisir les enjeux économiques, sociaux et politiques, il est nécessaire de prêter attention aux modèles choisis. Après tout, ces derniers non seulement découlent d’une certaine vision du monde, mais la proposent, voire l’imposent… et c’est là que ça pose problème.

Microsoft : embrace, extend and extinguish

plateau_monopolyMicrosoft est une entreprise capitaliste appelée à faire du profit, elle a donc intérêt à marchandiser et commercialiser autant que possible. Comme d’autres géants, elle souhaite avant tout conquérir le marché.

Selon Pierre-Yves Gosset, avec les GAFAM, “le logiciel dévore le monde” et l’open source n’est qu’un moyen parmi d’autres pour y parvenir. Il évoque ainsi la “colonialité” de ce comportement, en se référant au sociologue Antonio Casilli. Il rappelle qu’en 1997, Microsoft avait déjà été poursuivi au nom de la loi anti-trust. Le département de justice états-unienne a ainsi décrit la politique anti-concurrentielle de la multinationale : “embrace, extend and extinguish, c’est-à-dire “adopter, étendre et étouffer”.

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GitHub au service de qui ?

“L’open source est plutôt une bonne affaire […] ça permet d’aller vite”, constate Amaelle Guiton. Pierre-Yves Gosset complète : “on prend ce qui marche bien […] et on y ajoute des fonctionnalités plus refermées”. C’est pourquoi les militants libristes ne se réjouissent pas du rachat de GitHub. Même si l’open source se porte très bien, il n’est qu’au service de la rentabilité et peut être à terme remis en question.

Si Pierre-Yves Gosset redoute surtout un assèchement des “valeurs philosophiques, sociales et éthiques portées par le Libre”, Amelle Guiton, elle, ne s’émeut pas du rachat. Car GitHub est au départ privé et centralisé. Elle demande surtout : “Pourquoi tout le monde met son code au même endroit ?“. La centralisation demeure en effet un enjeu de pouvoir.

Heureusement, des alternatives décentralisées existent, comme GitLab et Framagit, la forge de Framasoft.

Framasoft : software to the people!

Framasoft est une association française de loi 1901, issue du monde éducatif. Réseau d’éducation populaire, elle promeut le Libre et, à travers lui, un modèle social basé sur la contribution plutôt que sur la consommation.

consommateurLe philosophe Bernard Stiegler, cité pat Pierre-Yves Gosset, remarque que “c’est aussi pour retrouver le désir, pour construire une société créative, qu’une partie croissante des jeunes générations s’éloigne progressivement du modèle consumériste, rejette un modèle qui ne la fait plus du tout ni rêver ni désirer, et s’engage dans des pratiques contributives singulières que le marketing tente évidemment de récupérer.” La contribution peut être au service de l’intérêt général comme de l’intérêt privé.

Dans sa campagne Dégooglisons internet, déjà traité sur ce blog par Florian Camut, Framasoft pousse pour un internet libre et pose entre autres la question de la concentration des acteurs du web, et donc du pouvoir. C’est pourquoi le rachat de GitHub dérange : c’est une concentration de plus. Au contraire, l’un des objectifs de Framasoft est la décentralisation, afin que les utilisateurs s’émancipent à travers leurs outils et leur modèle de développement et diffusion. Concrètement, l’association “s’engage à faciliter l’auto-hébergement et l’interopérabilité, afin de ne pas « enfermer » ses utilisateurs.”

Dès lors, il est clair que sa philosophie libriste s’oppose à celle de Microsoft, à laquelle s’accommode très bien l’open source, étant centré sur une innovation technique qui n’empêche pas le contrôle des usages en bout de chaîne. Est-ordinateur_hackerce caricatural de penser que Libre sert une vision du monde riche de valeurs, contrairement à l’open source, amoral et indifférent au projet social et politique de ceux qui l’exploitent ?

Il est en tout cas intéressant de se poser la question et de donner du sens à ses propres pratiques, en se demandant à quel modèle de société on contribue, finalement…

Note : toutes les images sont libres de droit, issues de pixabay.com, sauf celle du logo de GitHub.

 

 

 

(3 commentaires)

  1. Merci Laura pour ce résumé. Il est vrai que cet échange a finalement levé une question très philosophique qui va même au-delà de la question de la place du logiciel libre. On pourrait en débattre des heures !

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