Interview de Cuillère, jeune artiste professionnelle [Colib’art]

La semaine dernière, nous avons eu l’occasion d’interroger Ninon Rodriguez aka Cuillère. C’est une jeune artiste professionnelle très présente sur les réseaux sociaux avec un trait très reconnaissable. Nous allons vous la présenter, montrer ses œuvres et parler de sa méthode de travail. Peut-être avez-vous déjà vu l’un de ses dessins, qui sait ?

Bonjour Cuillère ! Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Ninon mais sur les réseaux c’est Cuillère. j’ai actuellement 23 ans et je fais du dessin depuis toujours. Je termine mes études dans 2 mois !

Super, et dans quelle formation es-tu ?
Je suis en animation 3D dans une école qui s’appelle l‘ESMA à Montpellier. Je fais un peu de tout : de la pré-production* à la post-production** d’un film. Donc je dessine des personnages, des décors, je les fais en 3D avec les textures, les lumières… Plus tard j’aimerais faire plus de pré-production : notamment du storyboard***, concept art****, etc.

Qu’est-ce qui t’inspire dans ton art ?
C’est par période, des fois c’est de la nature, des personnages, des choses mignonnes, des trucs qui font peur en fonction de mon mood… J’aime beaucoup la BD et je m’inspire beaucoup de mes lectures. Après le dessin, la BD et le cinéma sont mes grandes passions. J’aime beaucoup la série La quête de l’oiseau du temps ou encore Preacher. Ce sont des univers que j’adore ! J’adore ce qu’édite Ankama aussi, genre Mutafukaz. J’adore aussi le travail du dessinateur de Gorillaz, Jamie Hewlett. Parfois on me dit que mes persos ressemblent à ceux de Gorillaz d’ailleurs [rires].

Que tu préfères faire/dessiner ?
Des personnages assez simples. Des petites mise en situation. J’aime bien les décors mais c’est très long et j’ai tendance à décrocher un peu quand c’est trop long à faire.

Depuis combien de temps es-tu passé au dessin numérique ?
En même temps que mes études donc environ 4 ans…

Tu préfères le dessin dit “traditionnel”***** ou le numérique ?
Je fais énormément de dessin numérique, c’est plus simple pour moi pour les modifications. Mais ça m’arrive encore de faire du traditionnel !

Quels logiciels utilises-tu pour la 3D ?
Ce sont ceux qu’on a vu à l’école, donc ils ne sont pas libres… Mais en voici quelques uns : Maya (3D pure), RenderMan (texture), Nuke (composition), Adobe Photoshop et compagnie… Mais ils sont tous payants et non-libres…

Tu utilises Krita, peux-tu nous en parler ?
Je l’ai connu il y a environ 4 ans, quand j’ai commencé à faire du dessin digital. Mais on ne voyait que Photoshop en cours et je n’étais pas à l’aise dessus. Mon prof m’a dit que c’était normal car Photoshop ce n’est pas vraiment un logiciel adapté pour le dessin. Du coup il m’a fait connaître Krita. Grâce à mes cours sur Photoshop, j’ai trouvé que Krita était assez facile d’utilisation et pendant environ 2 ans je n’ai fait que dessiner sur Krita. Aujourd’hui je dessine un peu moins dessus parce que j’ai acheté un Ipad donc je dessine avec et Krita n’est pas disponible dessus. Mais sinon dès que j’utilise mon PC je retourne sur Krita. Après je n’ai jamais vraiment testé d’autres logiciels parce que j’en ressens pas le besoin.

Je dessine pas mal avec Procreate mais je fais vraiment la différence. Je ne fais pas du tout la même chose avec mon PC et sur la tablette. J’utilise la tablette pour les petits dessins et les gros avec Krita.

Est-ce que le côté libre de Krita c’est important pour toi ? Tu sais à quoi consiste un logiciel libre ?
Je ne suis pas très renseignée là-dessus [rires]. J’ai trouvé ce logiciel, je l’ai aimé et voilà !

Pour résumer, un logiciel libre possède une licence dite “open-source”. N’importe qui peut récupérer le code du logiciel, le modifier ensuite le distribuer et ce, de manière tout à fait légale. Souvent, les logiciels libres possèdent une communauté qui s’entraide pour améliorer les logiciels. Il y a une vraie notion de collaboration et également une éthique car contrairement aux logiciels propriétaires, les logiciels libres n’utilisent pas nos données.

Étant donné que tu es dans l’animation 3D, est-ce que tu connais Blender ?
Que de nom, mais je ne me sens pas de me lancer dedans, je n’ai pas le temps de m’y consacrer…

On entend souvent “le logiciel fait l’artiste”, qu’en penses-tu ?
Bah, je trouve cette phrase complètement c*n. Je n’y connaissais rien au numérique quand j’ai commencé, j’ai dû prendre le temps d’apprivoiser le logiciel ! C’est plus un tremplin qui m’ouvre à plein d’autres techniques mais ça ne va pas changer ma manière de dessiner ou les sujets que j’aborde !
Cela m’a beaucoup aidé par exemple avec les ombres et lumières que je trouvais difficiles sur papier, là je peux décider de changer un truc, de le refaire, ça permet de moins me restreindre. Le logiciel c’est juste un outil, il ne fait pas l’artiste.

Le logiciel parfait pour toi, ça serait quoi ?
Euh… [rires] Je suis très dans ma bulle, quand je trouve un outil qui me plait je vais l’utiliser à vie. Pour moi ça serait mes brushs préférés dans Krita et les outils Photoshop comme les masques [rires].

Tu utilises ArtStation pour poster ton art, c’est une plateforme importante à tes yeux ?
Je l’utilise parce qu’à la base nous ont un peu lancé là-dessus en cours et aussi parce qu’il y a plus de visibilité pour les artistes 3D que sur Instagram. C’est pour les artistes, réservé aux artistes, nos œuvres sont moins noyées parmi d’autres trucs, je l’utilise comme portefolio. Il y a énormément d’artistes dessus et c’est facile d’échanger avec eux dessus ! C’est vachement plus humain que de passer par une agence pour pouvoir contacter l’artiste directement. Il y a des gens qui débutent, des gens qui sont dans l’art depuis des années… C’est très varié.

On peut te considérer comme artiste professionnelle ?
Pour l’instant j’ai fait des stages, des petits travaux pour des séries… Des commissions et demande d’illustrations… Donc officieusement, oui mais officiellement encore étudiante pendant 2 mois !

Les clients qui te passent des commandes, ils le font via quelle plateforme ?
Plutôt via Instagram. C’est souvent des personnes qui sont plus à l’aise sur Insta, ça fait moins officiel, plus interactif. C’est souvent des gens qui veulent faire des cadeaux… Mais c’est souvent des amateurs qui me contactent via cette plateforme.

Quelles types de commandes réalises-tu ?
Les grosses illustrations je dis non car je manque de temps. Je n’aime pas trop qu’on me demande des portraits super-réalistes car ce n’est pas mon style, ce n’est pas ce que je fais. On m’a un jour demandé “pouvez-vous faire un autoportrait de moi ?” [rires].  On m’a aussi demandé des trucs très particuliers comme du NSFW****** avec des demandes très précises… Des fois j’accepte, des fois non.

Tu connais l’art libre ?
Non, pas du tout.

Ce sont des artistes par exemple qui décident que leur art est libre de droit. Cela te parle ? 
Mes dessins ne sont pas libres mais j’ai déjà eu affaire à des gens qui ont pris mes dessins librement pour en faire des trucs et ça m’a gêné. Je préfère qu’on me demande avant. Je m’en fiche quand c’est pour son utilisation perso, par exemple pour un tatouage ou autre. Mais je n’aimerais pas qu’on utilise mes dessins dans une idée qui ne me correspond pas.

Par exemple comme Pepe the frog, un personnage très populaire qui a désormais une image très négative parce que des groupes d’extrême droite se l’on approprié ?
C’est vraiment quelque chose dont  je n’aimerais pas que ça m’arrive. L’idée du libre ça dépend pour quoi. Je n’aime pas l’idée que mes dessins puissent tomber entre de mauvaises mains. L’avantage c’est que n’importe qui peut s’en servir mais on n’a plus le droit de regard sur son œuvre, les gens peuvent se permettre un peu ce qu’ils veulent avec…

Après il y a certaines choses qui ne me dérange pas quand les gens les reprennent. Par exemple, il y a un moment, j’ai créé un personnage débile de lapin rose qui dit des choses horribles que les gens ont dessinées, repris dans leur style, c’était fun. Après tant que je suis crédité ça me dérange pas. Mais les gens qui se font passer pour l’artiste en reprenant mes dessins, ça j’aime pas. Je ne jette pas la pierre mais je ne veux pas que les gens se fassent de l’argent sur mon dos.

NDLA  : Pour des raisons de décence, nous ne posterons pas le lapin ici, mais vous pouvez le retrouver ici, sur l’Instagram de Ninon ! [rires]

Au passage, nous nous permettons de partager le magnifique Curriculum Vitae de Ninon qui recherche actuellement du boulot ! Un CV original qui mérite d’être partagé.

*pré-production : Étape précédant la mise en production d’un service, d’un produit ou d’une œuvre. (source Wiktionnaire)

**postproduction : La postproduction est l’ensemble des opérations qui finalisent la fabrication d’un film : montage, mixage audio, effets spéciaux, conformation et étalonnage. La postproduction succède à la phase de production qui comprend les préparations, financière et artistique, du projet, et le tournage lui-même. (source : Wikipédia)

***storyboard : Un storyboard ou scénarimage, est un document sur papier ou fichier numérique, utilisé au cinéma et en téléfilm, lors de la préproduction afin de planifier les besoins de l’ensemble des plans qui constitueront le film, aussi bien au niveau technique (cadrages, mouvements de caméra, effets spéciaux) qu’au niveau artistique (décors construits, décors virtuels). Sa mise en page ressemble à celle d’une bande dessinée dont chaque vignette représente un plan, décrit parfois en plusieurs dessins. L’ordre proposé est celui du montage final. (source : Wikipédia)

****concept art : Le concept art est une forme d’illustration utilisée pour traduire une idée, ou une atmosphère d’ensemble en recherches graphiques pouvant être utilisé dans les films, les jeux vidéo, l’animation, la bande dessinée et autres médias avant qu’elle ne soit intégrée dans la production finale d’un projet. Le Concept art fait aussi référence à l’élaboration graphique et/ou au concept. Ce terme peut également être appliqué au design industriel. (source : Wikipédia)

*****dessin traditionnel : Autre terme utilisé pour désigner le dessin sur papier.

******NSFW : “Not Safe For Work” (traduction : Pas sûr pour le travail), terme qui désigne un art érotique voir pornographique et/ou violent/gore.

Logiciels mentionnés :

Krita : https://krita.org/fr/

Blender : https://www.blender.org/

Retrouvez Ninon/Cuillère sur :

ArtStation : https://www.artstation.com/petite_cuillere

Instagram : https://www.instagram.com/petitecuilleretordue/?hl=fr

LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/ninon-rodriguez-a14031183/

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