Affiche du film

Les Nouveaux Loups du Web – Interview de l’équipe Framasoft

Bonjour à tous, aujourd’hui nous allons vous présenter « Les Nouveaux Loup du Web ».

Sorti le 6 Janvier 2016 en France grâce à la traduction faite par Jupiter Films et tiré de la version original « Terms and Conditions May Apply » réalisé par Cullen Hoback, ce film documentaire démontre ce que les gouvernements peuvent apprendre sur vous au travers de votre vie numérique.

Une petite annonce pour se mettre dans le bain :

Pour la sortie de ce film coup de poing envers les « méga-corporation » du web, nous avons décidé d’interviewer l’équipe Framasoft qui soutient la diffusion de ce celui-ci.

Bonjour l’équipe de Framasoft ! Avant tout, peux-tu te présenter ?

Framasoft est un réseau d’éducation populaire consacré aux logiciels libres et à la culture libre en général. On propose donc plus de trente sites-projets qui visent à apporter plus de Libre dans la vie de la famille Dupuis-Morizeau (parce qu’on a décidé d’arrêter de prendre en exemple les Michus ^^). Dans les faits, Framasoft est une petite association loi 1901 de 5 salariés et une trentaine de membres qui œuvrent à maintenir cette galaxie de projets auxquels participent des centaines de contributrices et contributeurs.

On a entendu parler de votre campagne « Dégooglisons Internet », en quoi consiste t-elle ?

Nous avons entamé cette campagne un an après les révélations de Snowden qui ont confirmé nos pires craintes : la centralisation du web et l’aspiration de nos données par cinq géants étatsuniens (les GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) permettent un espionnage de masse que ce soit par des organismes publics (les USA en tête avec la NSA) ou privés (par ces entreprises à des fins publicitaires).

Cette campagne vise à sensibiliser le grand public à ces questions, en proposant des réponses concrètes. Sur trois ans, nous souhaitons proposer 30 services alternatifs à ceux de GAFAM… uniquement basés sur du logiciel Libre, avec des conditions d’utilisation Éthiques, dans un but de Décentralisation des données et par un financement et une conception Solidaires. Nous avons déjà plus de 15 services offerts au public : moteur de recherche, réseau social, hébergement de fichier, raccourcisseur d’URL… Et ça marche plutôt bien !

Le but n’est pas de Framasoftiser internet, mais de montrer que le logiciel Libre apporte des réponses et une autre façon de voir le Web. En gros, en allant sur nos services, vous goûtez au Libre, et ensuite vous pouvez les installer pour votre famille, votre asso, votre école, votre ville…

On rêve que les gens quittent nos services, s’inspirent de notre exemple, deviennent plus autonomes et reprennent la maîtrise de leur vie numérique. Bref : copiez-nous !

Avez vous déjà lu les conditions générales d’utilisation des données privées présentes sur chaque site internet que vous visitez ?

Il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes.https://www.youtube.com/watch?v=gNI9a-K1JoU . Mais fais l’expérience : c’est écrit de telle sorte que les yeux commencent à piquer et qu’on a une furieuse envie de reprendre une partie de SuperTuxKart. 

Il y a eu une expérience à Londres où dans les conditions d’accès à un point wifi, on devait accepter de donner son premier-né http://www.theguardian.com/technology/2014/sep/29/londoners-wi-fi-security-herod-clause . Évidemment : des gens ont accepté, sans avoir lu ce à quoi ils s’engageaient. C’est l’humoriste Eddie Izzard qui ironisait en disant qu’Apple pourrait mettre l’intégralité de Mein Kampf dans les CGU d’Itunes et que tout le monde cliquerait sur « Je suis d’accord »…

Personne ne lit les conditions générales d’utilisation. C’est justement pour cela qu’il y a des gens qui le font pour nous, et nous les résument sur des sites formidables : https://tosdr.org/

C’est l’occasion de préciser que nous en revanche, nous avons fait l’effort de rendre claires et lisibles les conditions d’utilisation des services que nous proposons. https://nav.framapad.org/nav/html/cgu.html

Est-il possible d’entrevoir un avenir du Web sans contrôle ni récolte d’informations (abusives/intrusives) ? Pourrait-il survivre ‘économiquement’ parlant ?

Bien sûr, c’est possible. Nous allons d’ailleurs nous y atteler, vous allez voir. Le Web est conçu pour être décentralisé. Or, ce qui rend la collecte abusive d’information si dramatique, c’est que cette information est aux mains de quelques géants qui peuvent la brasser, la croiser…

En fait tout se résume à un bon vieil adage libriste : « Si c’est gratuit, c’est toi le produit ». 

Le modèle économique de Gmail, c’est (entre autres) de lire tes courriels afin de t’afficher des pubs correspondant à ce qui se dit dans tes conversations. Si tu parles d’acheter une voiture avec ton conjoint et que tu vois une pub pour Toyota, ça semble pas si grave… Mais que se passe-t-il lorsque tu échanges avec un proche sur ton cancer, que tu es dans un état de vulnérabilité… est-ce que Gmail va t’afficher une pub pour un remède miracle à base de perlinpinpin…?

À l’inverse, d’autres modèles économiques, ceux des Communs et de la société de la collaboration, proposent des alternatives concrètes. Ces modèles fonctionnent souvent par le don, la participation. Framasoft, par exemple, vit à 90 % des dons des internautes. Notre budget annuel représente 2.7 secondes du chiffre d’affaire de Google, et pourtant nous avons un million de visites par mois… comme quoi, on peut construire des alternatives ensemble !

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Le film « Les Nouveaux Loups du Web » nous donnera t-il des conseils pour ne plus utiliser les GAFAM ? Des alternatives existent ?

Alors non : ce film n’est pas là pour nous donner des conseils.

Car avant de trouver des alternatives, il faut saisir les enjeux. Beaucoup de personnes nous disent encore que les politiques de GAFAM ne les dérangent pas, avec ce fameux argument de « Je n’ai rien à cacher ». Ce film répond à cet argument et aide à prendre conscience du fait qu’on engage aussi bien nos données que celles de nos proches (de toutes les personnes en contact avec nous), et que les modèles économiques de ces super-compagnies (Apple est la première capitalisation boursière au monde, Google la deuxième) engagent l’avenir de nos sociétés… aussi bien dans le monde numérique que dans des domaines très matériels.

Comment comptez-vous attirer un public plus jeune à voir ce film ?

Il faut pas croire que les personnes les plus jeunes sont les moins intéressé-e-s par le sujet. Les questions de vie privée, de réputation numérique, de données que l’on retrouve ou non sont extrêmement présentes dans les esprits des ados et jeunes adultes.

Après, il s’agit clairement d’un documentaire : on ne va pas le voir comme on va voir le dernier Michael Bay.

Nous, nous espérons vraiment que les personnes sensibles aux modèles alternatifs dans l’écologie, l’éducation, l’économie, la politique, etc. iront voir ce film. Car tous ces sujets rejoignent celui du numérique, et que c’est ensemble que l’on pourra sensibiliser un maximum de notre entourage.

On sait qu’il y a eu un débat après l’avant-première du film diffusé le 15 novembre.  Un compte-rendu a t-il été réalisé ? Allez-vous en réaliser d’autres ?

À part en interne, il n’y a pas de compterendu à notre connaissance. Il faut dire que cette avant-première a eu lieu 2 jours après les attentats du 13 novembre, dans un moment où les esprits étaient encore occupés par le choc et le deuil.

Et donc oui, justement, nous avons envie de réaliser de nouveaux débats suite aux projections du film. Nous sommes d’ailleurs en contact avec le diffuseur pour essayer d’être présent-e-s là où nous le pourrons (et d’inviter les ami-e-s Libristes à venir présenter les valeurs que nous défendons).

Pensez-vous qu’une réelle prise de conscience opérera sur le public ?

Nous voyons qu’elle est déjà en cours. 

Avec les révélations de Snowden, la loi de programmation militaire, la loi renseignement… de plus en plus de personnes viennent nous aborder pour trouver comment héberger leurs emails ou changer leurs habitudes.

Sans forcément abandonner tous les services d’un coup, une simple prise de conscience permet d’en modifier l’utilisation, de réfléchir à deux fois à ce que l’on partage sur Facebook, ce que l’on commente sur Youtube…

Après, cette prise de conscience est un travail de fond. Le tout est de savoir où tu veux placer le curseur entre confort et liberté. Mais si on ne te montre pas que c’est bien LA question que t’imposent les conditions générales de GAFAM, tu ne pourras même pas te la poser.

On nous dévoile les pratiques et techniques utilisées pour récolter le plus de données possible par les « méga-corporations » du web. Avez-vous eu des difficultés / des barrières pour le partage de la diffusion du film à cause du ton dénonciateur de celui-ci ?

Non, pas vraiment, ou du moins pas à notre connaissance.

À l’époque où le film a été tourné, il n’y avait pas encore eu les révélations de Snowden. On pourrait donc vouloir l’ignorer, le balayer de la main en se disant qu’il s’agit des craintes de paranoïaques du numérique.

Désormais, on sait de manière prouvée que les craintes évoquées dans ce film, que les abus de pouvoir totalitaire des géants du web sont une réalité. Il devient bien plus difficile d’en ignorer le message.

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L’équipe de la formation COLIBRE de Lyon 2 est à fond avec vous et utilisent vos outils au quotidien. Avez-vous un mot à leur faire passer ?

 Oh que oui : on a besoin de vous !

Le principe même de Framasoft consiste à ne pas produire du contenu Libre, mais à amener ce que des communautés créent vers un large public. Le Libre est parfois enfermé dans un certain « entre soi », parce que lorsque l’on passe son temps à produire des œuvres de l’esprit sous licence libre, on n’en a plus beaucoup pour communiquer sur ce que l’on fait.

Nous nous rendons compte, quotidiennement, qu’un public de plus en plus large est ravi d’utiliser des logiciels et des œuvres qui respectent leurs libertés. La grande difficulté qui demeure, c’est de faire savoir que cela existe, d’en exposer les enjeux et la différence… Sur ces points, toutes vos énergies seront les bienvenues !

Alors bien entendu, faire de l’éducation populaire demande du temps et de l’énergie… Mais comme on le dit chez nous : « la route est longue, mais la voie est Libre ! »

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Nous remercions grandement l’équipe Framasoft pour leur disponibilité, leur réactivité et leur enthousiasme !

Allez voir ce film sans plus tarder ;)

MIGNOT Samuel / BERTRAND Valentin / BRAHAMI Sami  /

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